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Waouh, quelle découverte. On navigue dans les parties du corps humains, ça sa guise.
Un atlas d'anatomie libre, basé sur blender. Multiplateforme.
via https://mstdn.io/@interhop/108243551606758898 et la veille de https://id-libre.org/shaarli/
Une merveille.
Conférence d'Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Lorraine, spécialiste des usages et pratiques numériques, particulièrement des jeunes, ainsi que de leurs usages et pratiques de l'information et des médias. Alors que l'existence d'une "culture numérique adolescente" est établie, celle d'une culture numérique enfantine reste un impensé tant pour la recherche que pour le monde social et éducatif. Nous nous interrogerons sur cet "angle mort" de réflexion éducative, puis ferons état d'une démarche de recherche qui a consisté à caractériser et documenter les pratiques numériques d'élèves scolarisés en cycles 2 et 3 dans la famille et dans la classe.
Retrouvez dans cet article tous les détails sur le process du reconditionnement de produits high tech comme les produits Apple, les smartphones ou tablettes Android ou bien des ordinateurs portables.
On a parfois peur de créer un monstre, une vitrine écologique pour les métropoles. On a peur qu’un outil stratégique, la ZEC, devienne une réalité politique confortable qui nous distancie des luttes d’ailleurs. On a aussi peur de ne plus s’adresser qu’à des élites et de s’éloigner de nos camarades de toujours, de tomber amoureu·ses du pouvoir que nous donne le regard bienveillant des intellectuel· les qui nous soutiennent et de se rêver politicien·nes.
Préhistoire !
Le concept même de logiciel n’est pas évident. Comme le rappelait Marion Créhange, la première titulaire d’un doctorat en informatique en France, la manière d’influencer le comportement des premiers ordinateurs était de changer le branchement des câbles. Un programme était littéralement un plan de câblage qui nécessitait de s’arracher les mains sur des fils.
Simple, basic, Unix !
Dans ses réflexions, Thompson n’a qu’un mot à la bouche : « simplicité ». C’est d’ailleurs lui qui va pousser Ritchie à ce que le langage « C » s’appelle ainsi. Une lettre, c’est simple, efficace. Cette idée de simplicité sous-tend toute l’architecture d’Unix : plutôt que de faire un énorme système hyper complexe qui fait tout, on va faire des petits programmes et leur permettre de s’utiliser l’un l’autre. L’idée est révolutionnaire : un programme peut utiliser un autre pour obtenir une fonctionnalité. Arrive même l’idée du « pipe » qui permet à l’utilisateur de construire ses propres chaines de programmes. Cela semble évident aujourd’hui, mais c’est un progrès énorme à une époque où les concepteurs de systèmes d’exploitation tentent de faire un énorme programme capable de tout faire en même temps. Cette simplicité est d’ailleurs encore aujourd’hui ce qui fait la puissance des systèmes inspirés d’Unix. C’est également ce qui va permettre une vague de collaboration sans précédent : chaque individu peut désormais créer un petit outil qui va accroitre exponentiellement les capacités du système global.
Globalization & Corporation, ton univers impitoyable.
En 1980, un changement politique se fait en occident avec l’élection de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis. Leur doctrine pourrait se résumer en « faire passer les intérêts des entreprises avant ceux des individus ». La recherche, la collaboration, le partage et l’empathie sont devenus des obstacles sur la route de la recherche de profit. Plusieurs grandes mesures vont voir le jour et avoir une importance extrêmement importante, tant sur l’industrie du logiciel que sur notre avenir.
Les concepts de collaboration et de bien-commun sont eux immolés sur l’autel de l’anticommunisme. Faire du profit à tout prix devient un devoir patriotique pour lutter contre le communisme. Cela a tellement bien fonctionné que malgré l’écroulement total du communisme, le concept du bien commun est rayé du vocabulaire. Plus de 30 ans après la chute du mur de Berlin, les gouvernements et les institutions publiques comme les universités doivent encore justifier leurs choix et leurs investissements en termes de rentabilités et de profits futurs.
À propos de la licence du logiciel (propriétaire) :
Grâce à la propriété intellectuelle, le logiciel reste la propriété du fournisseur. On n’achète plus un bien, on achète le droit de l’utiliser dans un cadre strictement défini.
À contrario (ou pas), un des 4 piliers du logiciel libre se découpe, en silhouette :
Notons que cette innovation commerciale (la licence) découle en droite ligne de l’importance morale accordée aux profits. Si l’utilisateur ne peut plus acheter, stocker, réparer et réutiliser un bien, il doit payer à chaque utilisation. L’utilisateur est clairement perdant par rapport au cas d’usage où il achèterait le logiciel comme un bien dont il peut disposer à sa guise.
Les hackers ont du cœur :
Pour perpétuer l’esprit UNIX initial, cet esprit frondeur et hacker, l’université de Berkeley met au point la licence BSD. Cette licence dit, en substance, que vous pouvez faire ce que vous voulez avec le logiciel, y compris le modifier et le revendre, à condition de citer les auteurs.
Richard Stallman et l'imprimante :
Ni une ni deux, RMS démissionne du MIT, où il gardera néanmoins un bureau, pour lancer la Free Software Foundation, la fondation pour le logiciel libre. Son idée est simple : l’industrie vient de confisquer aux informaticiens la liberté de faire tourner les logiciels de leur choix. Il faut récupérer cette liberté.
Il théorise alors les quatre grandes libertés du logiciel libre :
Le droit d’utiliser un logiciel pour n’importe quel usage
Le droit d’étudier un logiciel pour le comprendre
Le droit de modifier un logiciel
Le droit de partager un logiciel et/ou ses modifications
Aujourd’hui, on considère « libre » un logiciel qui permet ces quatre libertés.
Paranoïd ou extra-lucide ?
Si vous utilisez un logiciel propriétaire, vous ne savez pas ce qu’il fait de vos données, que ce soit de données scientifiques, des données personnelles, des documents dans le cadre du travail, des courriers. Un logiciel propriétaire pourrait même envoyer vos données privées aux concepteurs sans votre consentement. L’idée paraissait, à l’époque, issue du cerveau d’un paranoïaque.
En guise de conclusion :
Les pouvoirs publics et les réseaux éducatifs se sont, le plus souvent, laissé prendre au mensonge qu’utiliser les nouvelles technologies était une bonne chose. Que les enfants étaient, de cette manière, éduqués à l’informatique.
Utiliser un smartphone ou une tablette éduque autant à l’informatique que le fait de prendre un taxi éduque à la mécanique et la thermodynamique. Une personne peut faire des milliers de kilomètres en taxi sans jamais avoir la moindre notion de ce qu’est un moteur. Voyager avec Ryanair ne fera jamais de vous un pilote ni un expert en aérodynamique.
L’informatique est devenue une infrastructure humaine trop importante pour être laissée aux mains de quelques monopoles commerciaux. Et la seule manière de leur résister est de tenter de minimiser leur impact sur nos vies. En refusant au maximum d’utiliser leurs solutions. En cherchant des alternatives. En contribuant à leur création. En tentant de comprendre ce que font réellement ces solutions « magiques », avec nos ordinateurs, nos données et nos esprits.
Le logiciel libre et l’open source sont la seule solution que j’envisage pour que les ordinateurs soient des outils au service de l’humain. Il y a 20 ans, les idées de Richard Stallman me semblaient extrémistes. Force est de constater qu’il avait raison. Les logiciels propriétaires ont été essentiellement utilisés pour transformer les utilisateurs en esclaves des ordinateurs. L’ordinateur n’est alors plus un outil, mais un moyen de contrôle.La responsabilité en incombe à tous les militants, qu’ils soient écologistes, gauchistes, anticapitalistes, socialistes, voire même tout simplement locaux. On ne peut pas militer pour l’écologie et la justice sociale tout en favorisant les intérêts des plus grandes entreprises du monde. On ne peut pas militer pour le local en délocalisant sa propre voix à l’autre bout du monde. La responsabilité en incombe à tous les politiques qui ont cédé le contrôle de pays, de continents entiers à quelques entreprises, sous prétexte de gagner quelques voix lors de la prochaine élection.
Voilà le contexte :
Complètement inexistante il y a à peine soixante ans, l’industrie informatique est aujourd’hui devenue la plus importante du monde.
Et voici un classement boursier qui en dit long :
En termes de capitalisation boursière, l’entreprise la plus importante du monde à l’heure où j’écris ces lignes est Apple. La seconde est Microsoft. Si l’on trouve un groupe pétrolier en troisième place, Alphabet (ex-Google) vient en quatrième et Amazon en cinquième place. En sixième place on trouve Tesla, qui produit essentiellement des ordinateurs avec des roues et, en septième place, Meta (ex-Facebook). La place de Facebook est particulièrement emblématique, car la société ne fournit rien d’autre que des sites internet sur lesquels le temps de cerveau des utilisateurs est revendu à des agences publicitaires. Exploiter cette disponibilité de cerveau également le principal revenu d’Alphabet.
De l'avènement du logiciel comme succion prédatrice du temps de cerveau disponible, épaulé par le marketing :
Nous pouvons donc observer qu’une partie importante de l’humanité est sous le contrôle de logiciels appartenant à une poignée de sociétés américaines dont les dirigeants se connaissent d’ailleurs intimement. Les amitiés, les contacts entre proches, les agendas partagés, les heures de nos rendez-vous ? Contrôlés par leurs logiciels. Les informations que vous recevez, privées ou publiques ?Contrôlées par leurs logiciels. Votre position ? Les photos que vous êtes encouragés à prendre à tout bout de champ ? Les produits que vous achetez ? Contrôlés par leurs logiciels ! Le moindre paiement effectué ? Hors paiements en espèce, tout est contrôlé par leurs logiciels. C’est encore pire si vous utilisez votre téléphone pour payer sans contact. Ou Paypal, la plateforme créée par… Elon Musk. Les données des transactions Mastercard sont entièrement revendues à Google. Visa, de son côté, est justement huitième dans notre classement des sociétés les plus importantes.
Pour regagner son libre arbitre, je ne vois qu’une façon de faire : comprendre comment ces plateformes agissent. Comprendre ce qu’est un logiciel, comment il est apparu et comment les logiciels se sont historiquement divisés en deux catégories : les logiciels propriétaires, qui tentent de contrôler leurs utilisateurs, et les logiciels libres, qui tentent d’offrir de la liberté à leurs utilisateurs.
Et puis :
Les logiciels ne sont pas « magiques », ils ne sont pas « sexys » ni « hypercomplexes ». Ce ne sont pas des « nouvelles technologies ». Tous ces mots ne sont que du marketing et l’équivalent sémantique du « lave plus blanc que blanc de nos lessives ». Ce ne sont que des mots infligés par des entreprises au pouvoir démesuré dont le cœur est le marketing, le mensonge.
Pour illustrer ce que Microsoft fait aux communs :
Le texte a cependant des limites. Imaginons que nous souhaitions lui ajouter une mise en forme. L’une des solutions serait de définir un format complètement différent du texte standard (ASCII ou UTF-8). C’est ce qu’a fait par exemple Microsoft avec Word et le format .doc (ensuite devenu .docx). L’intérêt est évident pour l’entreprise : une fois qu’un utilisateur sauve ses données au format .doc, il est obligé d’utiliser Microsoft Word pour y accéder. Il ne peut pas utiliser un concurrent, car le format est propriétaire et que seul Microsoft Word permet d’ouvrir les documents. L’utilisateur doit donc convertir toutes ses données, ce qui peut être très long, voire impossible. L’utilisateur est prisonnier d’un logiciel appartenant à une entreprise. Ce n’est pas un détail, c’est une technique commerciale sciemment mise au point. Le terme technique est « vendor lock-in ».
Impeccable définition :
Sous le terme « Intelligence artificielle », nous avons en fait conçu des systèmes statistiques à prophéties autoréalisatrices. Le simple fait de croire que ces systèmes puissent avoir raison crée de toutes pièces une réalité dans laquelle ces algorithmes ont raison.
Les fieffés coquins, les vils manipulateurs, les ourdisseurs de consentement, grrrrr :
Ces entreprises cherchent également à cacher le plus possible le fonctionnement d’Internet tel que je vous l’ai expliqué. Elles tentent de le rendre incompréhensible, magique, mystique. Elles s’opposent légalement à toute tentative de comprendre les protocoles et les formats qu’elles utilisent. C’est à dessein. Parce que (dès) que la compréhension est la première étape, nécessaire et indispensable, vers la liberté.
Tenter de le comprendre est un devoir. Une rébellion. Si mon écran me captive autant, s’il affiche ces données particulières, c’est parce que d’autres êtres humains y ont un intérêt majeur. Parce qu’ils l’ont décidé. Et ce n’est (pas) probablement pas dans mon intérêt de leur obéir aveuglément. Ni dans celui de la société au sens large.
[...] avec l'intitulé de 2020, "l'Éducation nationale nomme explicitement les solutions de l’entreprise américaine comme spécificité technique et exclut donc toute alternative", tance Anticor.
[...] cette attribution va aussi à l'encontre du code de l'Éducation, qui encourage le service public à recourir au logiciel libre pour ses usagers.
[...] Anticor "pointe une relation commerciale dangereuse entre une administration française et un géant du numérique jouissant d’un monopole quasi absolu alors même que des entreprises offrent des solutions équivalentes".
Je sors de la photographie spontanée, de la photographie de rue, et de la photographie journalistique. Il peut m’arriver de mettre en scène. Je vais construire des images à partir d’un élément que j’ai découvert. Je vais imaginer une situation à partir de ça.
Alors que l’eau est un enjeu mondial majeur, les politiques de l’eau restent, elles, assez absentes du débat public et sont souvent méconnues des citoyens. Quelles sont les logiques qui construisent ces politiques, quels rapports de force les traversent ? Explications avec Sylvain Barone et Pierre-Louis Mayaux, chercheurs en science politique au sein de G-EAU* et auteurs du livre Les politiques de l’eau.
Pfiou, pas rassurant cet article, mais clair.
[...] une application parfaite de l’effet cigogne : expliquer un fait par un autre qui n’a aucun rapport. C’est confondre une corrélation, un événement A s’observe avant un événement B, avec une causalité, B se passe à cause de A (La Toupie). Lorsque deux événements se succèdent, cela ne signifie pas que l’un est la cause de l’autre. Ce raccourci cognitif peut être instinctif, mais potentiellement dangereux et à l’origine de fake news. Établir une causalité à tort peut servir à convaincre et manipuler à des fins de désinformation (VulgariScience).
Gerald Petit propose une analyse fine de la stratégie de conquête de cette bête de scène qui, homme d’affaires implacable le jour et machine de création la nuit, est en veille constante et ne manque pas une occasion de (se) produire.
Sinon, pour offrir, je veux bien les 3 :)) https://stayhappening.com/e/collection-ic%C3%94nes-debord-chaplin-et-prince-E2ISUCWOR7U
Jace et son célèbre Gouzou font partie du patrimoine de La Réunion, et de mon salon !!!
Jusqu'au 18 septembre !
Voilà voilà...
Du coté des populations, les thèses russo-chinoises, relayées efficacement dans les médias sociaux, ont d’autant plus d’influence qu’elles réactivent un sentiment anti-impérialiste et anticolonialiste qui couve depuis longtemps. Ni l’origine de cette guerre ni son déroulement ne sont vues de la même façon qu’en Europe ou aux États-Unis.
Les thèses occidentales sont jugées hypocrites de la part de des pays qui n’avaient pas hésité dans le passé à lancer leurs propres invasions (guerre en Irak notamment) et à rejeter les réfugiés du Moyen-Orient. L’opinion publique en Inde et en Indonésie est particulièrement sensible à cette thématique tiers-mondiste et anti-occidentale
On se souvient de l’enthousiasme du président philippin Rodrigo Duterte, qui considérait Poutine comme son héros préféré, avant de changer d’avis après le début de la guerre en Ukraine.
Hum, ce Duterte est le gars qui finance des milices qui assassinent les toxicomanes philippins. No comment :((
Camarades écouteurs, en mai, c'est la 1.000ème édition de La Planète Bleue ! Pour produire ces 1.000 émissions, soit un peu plus de 1.000 heures de programme, j'ai sélectionné pour vous plus de 10.000 titres de musiques innovantes originaires de tous les pays du monde, une multitude de morceaux inédits, introuvables, directement envoyés par des musiciens et des labels disséminés aux coins du globe.
Merci Yves Blanc et tes équipes de nous avoir ouvert à toutes ces musiques hybrides et sensibles !
un voyage parmi des individus et des collectifs en lutte, qu’il n’a cessé de photographier tout au long de sa carrière, invitant le visiteur à une rencontre avec l’autre dans ses combats.
Les blogs du « Diplo » > La pompe à phynance i 16
*"Fraude électorale**
par Frédéric Lordon, 19 avril 2022
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Umberto Boccioni, « Le Forze di una strada » (« Les Forces d’une rue »), 1911.
Qu’on s’entende : il ne s’agit pas de dire qu’il y a eu fraude dans l’élection. Il s’agit de dire que l’élection est une fraude.
C’est bien compliqué cette histoire car, en politique, on peut difficilement faire l’impasse sur les institutions, donc sur quelque forme de représentation. Donc sur quelque forme de désignation — d’élection. Or, qu’est-ce que la politique — quand elle n’est pas simplement la politique gouvernementale ? La politique, c’est du collectif en situation. Et qu’est-ce que l’élection (en tout cas la nôtre) ? L’élection, c’est l’émiettement des sujets politiques transformés en atomes par passage dans le bien nommé isoloir. Dans ces conditions, quand elle prétend être l’expression la plus achevée de la politique, l’élection n’en est que la défiguration. Rapportée à son objet qui est de « faire vivre la politique », l’élection est une fraude. Par définition, là où il y a de l’élection, il n’y a plus de politique sinon mutilée. En tout cas plus de politique qui ne soit institutionnelle, plus de politique vivante. Expérience de pensée : soit un événement ; il se passe quelque chose dans la rue, un mouvement, grand, puissant, qui ouvre une crise, profonde. On organise une élection pour en tirer le « débouché politique » : la chose meurt. C’est immanquable. Comme il y a des tue-l’amour, il y a des tue-la-politique : les scrutins.
Où aller pour trouver de la politique vivante ? Partout sauf dans un bureau de vote : dans un cortège qui prend la rue, dans une entreprise débrayée en AG, dans un amphi d’université occupée, sur un rond-point de « gilets jaunes ». Mais surtout pas dans un isoloir où, pour ceux qui ne comprennent pas bien, on se retrouve isolé — individuel, coupé de tout collectif.
Le collectif refoulé, et son retour
Lire aussi « Élections en France », Le Monde diplomatique, avril 2022.
Si la politique est, avant toute chose, du collectif en action, l’élection en est le refoulement. Mais, comme on sait, régulièrement le refoulé « fait retour ». Le plus souvent sous des formes méconnaissables. Quand les électeurs disent régler leur comportement sur les sondages, quand ils font le choix du « vote utile », ou quand ils reprochent à ceux qui ne veulent pas faire barrage de les « laisser faire le sale boulot à leur place », c’est à chaque fois le collectif refoulé qui revient, par l’invocation de figures d’interaction ou de coordination qui s’ignorent. Tous ces arguments sont des solécismes au regard de ce qu’est vraiment la grammaire électorale. Car l’interaction n’a de sens que dans du collectif. Or, par construction, la grammaire de l’exercice électoral ne connaît que des individus séparés, et les mutile de tout contact au moment le plus crucial : celui de la décision. Il est donc absurde de se référer à des coordinations collectives dans un exercice qui les interdit par construction.
Absurde mais inévitable. Car, pour être grammaticalement faux, ces arguments n’en disent pas moins quelque chose de vrai quant à la politique en son essence. Ils disent l’aspiration à du collectif qui, du fond de la séparation électorale instituée, continue de chercher ses voies — donc logiquement de tourner en rond et de se cogner la tête partout. Il suffit de voir dans quel état le premier tour nous a mis, pour ne rien dire du second.
Comme il y a des tue-l’amour, il y a des tue-la-politique : les scrutins
Doit-on pour autant considérer que toute élection est vaine par principe, en tout cas du point de vue de la gauche ? Mais d’abord qu’est-ce que la gauche ? Si l’on définit la gauche comme l’ensemble des forces qui contestent l’ordre social bourgeois, sauf miracle la réponse est oui : vaine, l’élection. On comprend en effet, assez logiquement, que, dans la « démocratie » organisée par l’ordre bourgeois, l’arrivée au pouvoir de forces contestant l’ordre bourgeois soit comme un rêve. C’est pourquoi les annales, en tout cas européennes, comptent si peu d’expériences de gauche parvenue par les seules voies électorales. Car il est bien entendu que cette définition de la gauche interdit d’y compter ni Mitterrand, ni Jospin, ni Blair, ni Schröder, ni même Tsipras (Hollande : rires enregistrés). Pour la gauche, l’élection en démocratie bourgeoise est comme une fête foraine négative : « à tous les coups l’on perd ». Alors on revisite l’histoire : Blum… — un miracle.
Lire aussi Serge Halimi, « Quand la gauche française triomphait des contraintes et bousculait les privilèges », Le Monde diplomatique, juillet 1997.
Mais les miracles disent aussi une vérité générale. Une élection redevient intéressante si elle crée une situation. C’est-à-dire une occasion qu’il revient à des forces concrètes, collectives, de saisir, pour en faire quelque chose — au-delà de l’élection même. Dans la situation « Blum », s’engouffre la grève générale, et il se passe 1936. Dans la (non-)situation « Mitterrand », rien. Et nous voyons, par différence, ce qui fait le « miracle électoral » : le relais par des forces non-électorales, précisément. Mélenchon, ça se tentait — mais averti de ce que la confrontation aux forces du capital était vouée à tourner à son (notre) désavantage sans l’appui d’un mouvement « bousculant ». Le plus pernicieux, en tout cas, dans ce qu’il faut appeler la croyance électorale tient au fait, non seulement de ne pas apercevoir la mutilation politique en quoi consiste l’élection, mais de nous faire incorporer son habitus de la dépossession et de la passivité au point de considérer que l’action cesse après le second tour — alors qu’elle devrait y commencer.
À cet égard, on reconnait infailliblement les « intellectuels » les plus incapables de penser la politique à leur adhésion passionnée à la croyance électorale. Dans un deuxième tour face à Le Pen, ils demandent à Macron de « parler », pour « faire un geste social fort » (Piketty), ou même juste donner « des preuves de respect » (Méda). Et ça leur suffira. Nous parlons tout de même du personnage qui a déjà à son actif le « grand débat » et la « convention citoyenne pour le climat ». Que le psychotique soit parfaitement à son affaire s’il s’agit de donner des mots sans aucun contenu de réalité ni aucune valeur d’engagement, qu’il n’ait fait que ça pendant les cinq années passées, qu’il en donnera autant qu’on voudra pour les cinq années à venir, c’est ce que les croyants de la « démocratie électorale », littéralement en train de se rouler à ses pieds pour qu’il leur raconte des histoires, s’acharneront à ne pas voir — le propre de la croyance, c’est qu’elle neutralise tout effet d’apprentissage. Au grand bonheur du cynisme politique : on peut leur refaire le coup tous les cinq ans, ils n’ont pas avancé d’un iota. Les prolos abstentionnistes ont semble-t-il mieux compris que ces universitaires ce que vaut la verroterie des mots en pantomime électorale.
Les constructeurs d’impasse
La situation de ce second tour, devenue répétitive en phase de crise organique, concentre alors au plus haut point les apories politique de la procédure électorale, et jette les gens au tréfonds de l’impasse, du désarroi et de l’angoisse — avoir à éviter un mal en n’ayant d’alternative que de choisir un autre mal est une situation propre à rendre fou. On leur fera difficilement reproche de s’en tirer comme ils peuvent. Même la ligne stratégique, normalement sûre, qui chercherait l’option laissant les moins mauvaises possibilités aux résistances et aux luttes, livre des indications de moins en moins claires — dans une lecture à l’aveugle, à qui attribuer l’élément de programme annonçant « la privation de droits civiques pour ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre » ? (réponse : Macron).
Dans un article qui sue la complaisance, le matraquage et la peur, Le Monde, non content de nous ripoliner l’officine islamophobe du Printemps républicain comme républicaine (au moment où La Voix du Nord nous apprend que certains de ses membres préparent Le Pen à son débat), Le Monde, donc, sonde la « collaboration » des préfets en cas de victoire de l’extrême droite, et mesure les risques d’« une remise en cause par morceaux de l’État de droit ». Comme si, après les blanchiments systématiques de l’IGPN, la nouvelle « norme » où les citoyens se trouvent de devoir exposer leur intégrité physique quand ils vont manifester, le traitement des migrants à Calais, et la loi « sécurité globale », l’« État de droit » n’était pas déjà sérieusement parti en « morceaux ». Le Monde raconte début mars la réception de François Sureau à l’Académie Française, mais a tout oublié à la mi-avril de ce que l’impétrant y disait de l’état des libertés publiques. Le Monde, qui a pour modèle et pour boussole The Economist, ne se souvient pas non plus que The Economist a classé la France de Macron dans la catégorie des « démocraties défaillantes ». On demande : depuis quand et depuis qui, au juste, « les morceaux » ?
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En kiosques ou sur la boutique en ligne.
Sous différents prétextes, les libertés publiques régressent en France et en Europe. Face à cette spirale répressive, les contre-pouvoirs sont trop souvent complices ou impuissants. Cela n’empêche pas des citoyens et des associations d’organiser la riposte.
Tentant de nous convaincre (ça n’est pas trop difficile) que le programme de Le Pen est « fondamentalement d’extrême droite », Le Monde ne voit pas combien souvent, pour chaque ligne examinée, on pourrait mettre en face une saloperie déjà commise par le gouvernement Macron. Ni combien souvent, également, les associations et les ligues ont averti de ce que donneraient ces dispositions si elles venaient à « tomber dans de mauvaises mains ». Et voilà les mauvaises mains.
Si le journalisme de majesté avait deux sous de dignité, s’il avait surtout quelque éthique du vote éclairé, il n’escamoterait rien, rappellerait tout. Alors, lui qui jouit tant de sa fonction magistrale, il pourrait se donner le bonheur d’interpeller, magistralement, et pour une fois à bon compte. Il faut bien le dire, tout ce que le pays compte de précepteurs barragistes, escamoteurs par peur ou par « pédagogie », donne furieusement envie de leur désobéir, et depuis assez longtemps déjà. Eux aussi auront à répondre en cas de désastre. Voilà donc, comme si ça n’était pas déjà suffisamment odieux, au milieu de quoi il faut faire faire leur chemin à des décisions impossibles.
Si le journalisme de majesté avait deux sous de dignité, s’il avait surtout quelque éthique du vote éclairé, il n’escamoterait rien, rappellerait tout
Car nous savons aussi ce qu’il y a en face : la ruine (anti-)constitutionnelle du principe fondamental d’égalité, un État policier et raciste parachevé, la BAC en liberté dans les quartiers, et des milices fascistes jouissant d’une bénédiction encore plus étendue que celle du préfet Lallement. C’est-à-dire un appareil de force déjà fascisé jusqu’au trognon aux mains d’un pouvoir cette fois-ci authentiquement fasciste — au milieu de la désorientation, il reste quand même quelques points de repère fiables. Il y a des groupes à qui on n’ira pas faire la leçon abstentionniste : ils sont en première ligne et ils le savent — mais, symétriquement, qui oserait aller faire la leçon barragiste à Jérôme Rodrigues ? Le macronisme, lui y a laissé un œil, d’autres une main. Il vaut mieux abandonner les « leçons »... On conçoit qu’il y ait de grandes peurs. Elles sont terriblement bien-fondées. On conçoit aussi que faire obstacle aux effets en reconduisant éternellement les causes apparaisse comme une absurdité insoutenable à force de répétition. À la fin des fins en tout cas on ne compterait comme responsables d’une victoire de Le Pen que les électeurs de Le Pen. Et Macron, évidemment. Macron surtout. Enfin tous ceux qui ont si bien construit l’impasse.
Et maintenant ?
D’une manière ou d’une autre, le 25 avril viendra. L’élection de 2022 n’aura pas été totalement vaine si elle nous permet au moins de nous désincarcérer de la croyance électorale. On est moins sujet à la déception ou à la souffrance quand on a nourri moins d’illusions — et plus en état de rediriger ses investissements ailleurs.
Sans doute les institutions de la démocratie bourgeoise sont là, et nous devons faire avec, le cas échéant en prenant part à leur jeu. Pour certains, rien n’est plus urgent que de se précipiter dans les législatives après les présidentielles. Quand on appartient à des formations politiques qui, ne vivant que par les débouchés institutionnels, ont partie liée avec les institutions, la chose se comprend. On peut difficilement demander à des forces de débiner le jeu en vue duquel elles se sont constituées. Mais le propre des institutions, c’est de nous rendre captifs même quand on n’y aspire pas. Au reste, nous savons aussi que de temps en temps il peut en sortir un petit quelque chose : un rapport sénatorial McKinsey, un patron un peu rudoyé en commission (plus rare), l’apparition soudaine des auxiliaires de vie sociale par l’obstination d’un député heureusement excentrique. On dira que des gains résiduels valent mieux que pas de gain du tout, une grosse opposition parlementaire davantage qu’une petite — oui, d’accord.
Ce sera tout de même cher payé si c’est pour reconduire à l’identique la croyance électorale, avec ses angles morts et ses faux espoirs, au surplus dans une élection dont la capacité à créer une « situation » est à l’évidence des plus faibles. Si les institutions sont là, si pour partie elles s’imposent à nous, qu’au moins elles n’empêchent plus d’apercevoir que l’essentiel de la politique se tient en dehors d’elles. Et puis de nous préparer à ce qu’elles s’apprêtent à nous laisser sur les bras.
L’élection de 2022 n’aura pas été totalement vaine si elle nous permet au moins de nous désincarcérer de la croyance électorale.
Disons Macron. Macron réélu, l’épisode insurrectionnel est voué à se produire. Il aura lieu. Mais il aura lieu sous la forme d’une insurrection boueuse : avec du fasciste dans la rue. La question la plus urgente pour dès « après » est de savoir comment on fait pour clarifier une insurrection boueuse. Comment on fait pour la ramener à gauche — étant entendu qu’il faudra sans doute prendre le risque de s’y mêler pour ne pas abandonner le terrain ?
Il n’y a pas 36 manières de ramener à gauche une insurrection mélangée. Il y a au premier chef de l’ancrer dans les luttes sociales, dans les luttes salariales. Une insurrection tombe à coup sûr à gauche quand on en reformule les enjeux dans les coordonnées du conflit majeur, celui qui n’a jamais été aussi aigu et, paradoxalement, n’a jamais été aussi recouvert — au point que les « gilets jaunes », pour si admirable qu’ait été leur mouvement, n’en ont pas complètement trouvé les voies. Ce conflit majeur, c’est le conflit capital/travail, le conflit de classes, à potentialité révolutionnaire… par-là déserté des organisations institutionnelles.
Le retour de l’inflation a au moins pour effet collatéral de remettre au centre du débat la question du pouvoir d’achat, donc du salaire, donc de la manière dont il se partage dans la valeur ajoutée, de ce que certains patrons en gardent, et de ce qu’il s’agirait de rétablir quelques repères de l’obscénité. La misère matérielle et la souffrance morale ont deux causes : la situation salariale, l’appui des politiques néolibérales à la situation salariale. Qu’une insurrection éclate, et il faudra la convaincre de s’orienter d’après ces deux causes.
Lire aussi Frédéric Lordon, « Pour favoriser une entente des luttes », Le Monde diplomatique, mars 2021.
Non pas sous la gouverne d’une idée abstraite, mais d’après le rassemblement des luttes concrètes qui, entre conflits salariaux et fermetures, ne manqueront pas. Et dont la mise ensemble aurait pour vertu d’accéder, en actes, à une généralité, celle que les directions syndicales repoussent à toute force de peur de se voir entraînées « sur le terrain politique », à savoir qu’en société capitaliste la politique n’a, en effet, pas de lieu plus central que le conflit de classes, disons même le conflit contre le capital. Et que les luttes sociales « de sites », aussi bien que les initiatives des militants du climat, n’en sont que les multiples expressions. À ce stade, l’extrême droite, en laquelle seuls de parfaits imbéciles peuvent voir une alliée « sociale » des classes populaires, a déjà bien décroché.
Mais il faut désormais compter avec une donnée nouvelle, et d’importance. Si, comme l’avait fait le comité Vérité et justice pour Adama avec les « gilets jaunes », comme l’ont fait les banlieues en se mobilisant massivement pour Mélenchon, si les quartiers reviennent en force dans la politique générale, déboulent dans un éventuel mouvement, en épousent les revendications matérielles — ils les partagent au premier chef —, y apportent leur agenda politique propre — une visée de l’émancipation ne peut que l’adopter à son tour —, que restera-t-il cette fois à l’extrême droite dans un soulèvement qui prendrait ces caractères ?
Puisque la réponse est « plus rien, à coup sûr », nous savons selon quelles orientations, sinon clarifier une insurrection boueuse, du moins, si le cas se présente, tenir une ligne qui ne le soit pas. En tentant au surplus d’en faire la proposition la plus attractive.
Et comment on fait ça ? Certainement pas depuis les formations politiques institutionnelles. Encore moins hélas avec les directions syndicales. Davantage sans doute en reconstruisant sur le seul appui qui vaille — celui des bases, des maillages des quartiers et des conflits concrets — un front social, plus exactement un front indistinctement social et politique, par-là décidé à tenir ensemble ce qui n’aurait jamais dû être séparé. C’est-à-dire à faire de la politique avec les luttes sociales.
Frédéric Lordon